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Vol des bijoux du Louvre : que se passe-t-il côté procédure pénale ?

  • Célia Chauffray
  • 21 oct.
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 22 oct.


Attention : le présent article est rédigé en l’état des informations disponibles à la date de sa rédaction le 21 octobre 2025, son contenu est susceptible d'évoluer.


Des policiers à côté d'une échelle électrique utilisée par des cambrioleurs pour pénétrer dans le Musée du Louvre, sur le quai François Mitterand à Paris, le 19 octobre 2025.  DIMITAR DILKOFF/AFP
Des policiers à côté d'une échelle électrique utilisée par des cambrioleurs pour pénétrer dans le Musée du Louvre, sur le quai François Mitterand à Paris, le 19 octobre 2025. DIMITAR DILKOFF/AFP

Dimanche 19 octobre 2025 au matin, quatre individus, équipés d’une nacelle et d’outils de découpe, ont pénétré par effraction dans la Galerie d’Apollon du Louvre. En quelques minutes, ils ont fracturé des vitrines et dérobé des joyaux historiques du XIXᵉ siècle, parmi lesquels la couronne de l’impératrice Eugénie qui a été retrouvée endommagée à proximité. L’enquête est ouverte, le musée a été temporairement fermé.


1.        La qualification des faits


Le parquet de Paris a annoncé une enquête des chefs de vol en bande organisée (art. 311-9 du Code pénal : crime puni de 15 ans de réclusion) et association de malfaiteurs (art. 450-1 CP). Les circonstances matérielles (effraction, moyens lourds, pluralité d’auteurs) justifient ces qualifications aggravées.


À ces infractions pourront s’ajouter le recel (art. 321-1 CP) pour les éventuels détenteurs, et les dégradations (art. 322-1 CP) du mobilier muséal.


Les qualifications criminelles retenues signifient, non seulement qu’il s’agit d’infractions graves qui relèvent de la compétence de la Cour d’assises, mais également que les services d’enquêtes disposent de pouvoir plus étendus pour mener leurs investigations.

 

2.        Compétences et services saisis


L’enquête est conduite par la BRB (brigade de répression du banditisme) de la police judiciaire parisienne, avec l’appui de l’OCBC (Office central de lutte contre le trafic des biens culturels). À l’international, INTERPOL a inscrit les bijoux volés dans sa base « Stolen Works of Art », pour bloquer immédiatement revente et exportation de ces biens.  


3.        Phase d’enquête : régime de flagrance et techniques spéciales


a.        Le cadre procédural


Les faits récents permettent un régime de flagrance (art. 53 CPP), donnant des pouvoirs étendus aux enquêteurs (perquisitions, saisies, auditions rapides).


En principe limitée à 8 jours, l’enquête de flagrance pourra ici être prolongée de 8 jours supplémentaires en raison de la gravité des qualifications pénales retenues (art. 53 CPP). A l’issue des 16 jours, l’enquête de flagrance se transformera en enquête préliminaire (art. 75 CPP) ou en information judiciaire.


L’enquête, conduite sous l’autorité du procureur de la République, est par nature secrète et non-contradictoire. A l’exclusion des magistrats du Parquet et des services enquêteurs, personne n’a accès en principe aux éléments de l’enquête afin de préserver une plus grande efficacité des investigations.


A noter que le respect de ces principes peut être rendu difficile par le contexte de grande médiatisation de l’affaire…


b.       Les principales techniques d’enquête


La circonstance aggravante de « bande organisée » ouvre l’accès aux techniques spéciales d’enquête (surveillance, sonorisations, captations de données, filatures longues, infiltration) ainsi qu’à une garde à vue pouvant aller jusqu’à 96 h (art. 706-80 s. et 706-88 CPP). 


A ce stade, la priorité des enquêteurs va probablement aller vers le recueil et l’exploitation des traces laissées par les individus, qu’il s’agissent des traces biologiques (ADN), dactyloscopiques (empreintes) mais aussi numériques (téléphonie avec notamment l’activation des bornes relais aux alentours, exploitations de la vidéo-surveillance, recherches de traces sur internet…etc).


En parallèle, les investigations vont s’étendre au-delà de ce cadre très immédiat lié à la commission des faits eux-mêmes pour s’étendre notamment à la phase de préparation antérieure aux faits ainsi qu’à la phase postérieure, englobant la fuite des individus et le parcours des biens volés.


Outre les moyens d’enquête déjà évoqués, les services d’enquête devraient pouvoir s’appuyer sur leur connaissance fine des milieux du trafic d’œuvres d’art et/ou du grand banditisme (d’où probablement l’intérêt d’une saisine conjointe de l’OCBC et de la BRB).


4.        Suites judiciaires possibles.


Compte tenu de la qualification criminelle (vol en bande organisée), une information judiciaire a vocation à être ouverte et un juge d’instruction saisi.


L’information judiciaire, qui peut durer plusieurs années, est contradictoire pour les personnes qui ont un statut dans la procédure, qu’il s’agisse des parties civiles ou des mis en cause (qui peuvent être mis en examen ou placés sous le statut de témoin assisté).


En cas de sortie du territoire ou de recel à l’étranger, l’information judiciaire est le cadre procédural idoine pour mettre en œuvre une coopération judiciaire pénale européenne/internationale (not. Mandats d’arrêt, entraide judiciaire européenne, commissions rogatoires internationales, coopération EUROPOL/INTERPOL).


Lorsque les investigations seront achevées, le dossier pourra être renvoyé devant la juridiction de jugement compétente, qui sera vraisemblablement la Cour d’assise concernant les auteurs du vol.


L’État, propriétaire des collections nationales, pourra alors se constituer partie civile pour obtenir réparation (préjudice matériel, atteinte au patrimoine national, frais de restauration/sécurisation).


L’effectivité de la réparation dépendra évidemment de la solvabilité réelle des personnes condamnées, et également, de manière souvent plus effective, des sommes qui auront pu être saisies à titre conservatoire pendant la phase préalable au procès.


Il faut souligner que les collections nationales sont auto-assurées par l’État : il n’y a donc pas d’indemnisation par un assureur privé (à l’exception des hypothèses où les œuvres se déplacent, notamment dans le cas de prêts). Cette politique, longtemps justifiée par la valeur inassurable de ces biens, risque d’être à nouveau débattue à la suite du braquage.


La priorité absolue est donc donnée à la récupération des biens volés. Étant précisé que les experts rappellent qu’en cas de bijoux, la fenêtre de récupération est courte : démontage des montures, refonte des métaux et recoupe des pierres peuvent rendre les pièces non identifiables.


Conclusion


Espérons que cette histoire connaîtra un épilogue judiciaire heureux, à l'instar de plusieurs précédents qui montrent qu’une récupération des œuvres est possible :


  • La Mona Lisa, dérobée au Louvre en 1911, a été retrouvée en 1913 à Florence[1] ;


  • Le Cri et Madone d’Edvard Munch, braqués à Oslo en 2004, ont été récupérés en 2006 & un autre Cri volé en 1994 avait déjà été retrouvé sain et sauf trois mois plus tard[2].


  • Les toiles des peintres Monet, Sisley et Brueghel volées au musée des Beaux-Arts de Nice en 2007 ont été reprises par la police en 2008 (après des précédents vols, elles avaient déjà été récupérées en 1998)[3].


  • Plus récemment, après le spectaculaire cambriolage de la Voûte verte à Dresde (2019), une partie substantielle des joyaux a été restituée en 2022[4] ;  


  • Même les disparitions « mythiques » connaissent des dénouements inattendus, comme le Portrait d’une dame de Klimt, réapparu en 2019 à Piacenza[5].


Ces exemples plaident pour une riposte immédiate (alertes internationales, gel des marchés, travail d’infiltration) car plus l’enquête avance vite, plus les chances de retour des pièces augmentent.


Reste qu’il n’est sans doute pas inutile de rappeler quelques conseils de prudence à destination des institutions muséales, collectionneurs ou maison de ventes :


  • Cartographiez vos risques (vitrines, itinéraires d’accès, horaires sensibles).

  • Mettez à jour vos plans de sûreté (protocoles, essais de crise).

  • Tracez vos biens (photographies HD, numéros d’inventaire, marquages) et préparez vos dossiers probatoires (chaîne de possession, certificats, expertises) pour faciliter les saisies et restitutions.


Quelques conseils de lectures pour approfondir :


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